#monartcontempo

Je me demande si je ne vais pas faire un procès au Palais de Tokyo.

Il y a 2 ans, le 29 mai 2022, sortant du CAPC (musée d’art contemporain de Bordeaux) exaspéré par les œuvres ineptes et désinvoltes, pauvres et pathétiques que je venais majoritairement d’y voir — et surtout par les textes souvent vides de sens des cartels (notules explicatives) qui les justifiaient, j’avais ressenti le besoin de me défouler pour exorciser l’inanité et la vanité bêlante de ces œuvres et textes qui m’avaient littéralement agressé.

Sur le mode fanfaron de « je peux en faire autant », je me suis alors mis pendant plusieurs jours à publier sur Instagram des photos sans intérêt accompagnées de textes parodiques et jargonnants (8 en tout, et puis on se lasse, et la colère retomba).

L’ensemble connut un succès évidemment mondial grâce au mot-dièse monartcontempo.

Et voici que j’apprends aujourd’hui (*) que le Palais de Tokyo fait son malin en publiant sur son site web un générateur de cartels — dans un geste fiévreux sans doute d’autodérision comme l’art contemporain aime bien le faire pour se donner des frissons rebelles (ici : https://palaisdetokyo.com/generateur-de-cartels/).

Or, ce n’est pas pour me vanter :
1- Je l’avais donc déjà fait (et je ne suis en vérité pas le seul ni le premier).
2- Mes textes sont bien plus drôles et signifiants que ceux de leur générateur.

Aussi, je vous les ai recompilés ci-dessous.

(*) merci ma fille Salomé qui fait sa veille muséale et a repéré dans la newsletter Muzeodrome comment il est possible que je sois spolié (https://muzeodrome.substack.com/).

Image du haut : Cartel généré le 14/06/2024 avec le générateur de cartels du site web du Palais de Tokyo (Paris)

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29 mai 2022 — Dans cette installation (piquet ; sac gonflé par le vent) l’artiste interroge la tension consumériste ressentie par le passant tétanisé par l’offre dans la rue — entre retenue personnelle et souffle tentateur de la mode/tendance/pulsion d’achat. Une lecture très personnelle de la société de consommation dont le déclin est ici annoncé dans l’esquisse du déchet.

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29 mai 2022 — Dans cette installation l’artiste interroge la place du travail à distance postpandémie dans un paradigme de crise récurrente et de déplacement mondialisé des travailleurs à l’heure où nous sommes tous migrants de l’intérieur, de nous-mêmes, et au-delà.

Image 19/365

31 mai 2022 — Mêlant fascination et frustration l’artiste a réalisé 365 images de boutiques de coiffeurs afro-antillais pour interpeller les « lieux où il n’ira hélas jamais » puisque caucasien chauve, que les rabatteurs des boutiques n’invitent jamais. Les prises de vues souvent furtives parfois floues visent à exprimer l’ambiguïté trouble de l’espace urbain entre l’aspiration des entrées et l’expiration des sorties, comme un souffle d’injonctions contradictoires de fin des temps.

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1er juin 2022 — Ces sculptures urbaines que disperse l’artiste visent à changer notre regard sur l’espace comme  lieu d’expression d’un art possible soulignant les dégradations du temps, mais surtout en tant que champ du narratif des déplacements. Si à l’heure de l’urgence climatique la figure bienveillante et résiliente du vélo nous crie celle de l’usage impératif des mobilités douces, le dispositif ici, ostensiblement mis à mal, nous rappelle que peuvent s’y opposer des immobilités dures et qui durent. Espace et temps, questions antagoniques formelles : ici le totem/vélo dans cette pluralité permet de nous interroger sur notre bipédie comme seul recours.

[publicité Leclerc valable du  11 mai au 11 juin 2022]

1er juin 2022 — Le collectif [PRÉSENCE PROSPECTUS] né « par manque de lecture pendant le confinement de mars 2020 » a cessé fin juin 2022 ses activités de distribution/accumulations en référence à l’artiste César, à la suite d’une rixe avec des migrants distributeurs concurrents salariés à tâche. Sous le manifeste « ce qui est prix est à prendre », les artistes réalisaient des mises en scènes de « mise en boîte à lettres concernantes » visant à « mettre en perspective », mais surtout « interroger les propos déprimistes, décroissants et collapsophiles » de l’époque dans une dynamique d’action-art de proximité. La pièce la plus fameuse, une pile de 290 ready-made « anniversaire Castorama », est exposée au Guggenheim de Bilbao témoignant avec pugnacité d’une époque versatile. d’une histoire immédiate, dans laquelle l’Être est confronté à ses choix consuméristes dans un hypothétique futur plus favorable quant aux promotions qu’offriraient des lendemains espérés toujours plus scintillants. Le groupe /Surface/sur/Surface/ s’est attaché durant les quelques mois de son existence a effectuer un travail de recherche de mise en abyme de la nappe industrielle en plastique imprimé, arguant que « la neutralité objective et le motif subjectif de la surface de la nappe définissent le périmètre de la surface qu’elle recouvre » et donc qu’en ce sens « la nappe est le territoire ». Les premiers recouvrement de tables et de guéridons lors de l’exposition à l’École Spéciale d’Architecture en mai 1969 ayant marqué les esprits critiques déjà échauffés par l’apparition du groupe Supports/Surfaces à la même période, /Surface/sur/Surface/ a développé sa réflexion et son geste les mois suivants en empilant des nappes selon « un principe — phénomène répliquant » s’agissant de recouvrir une nappe d’une autre nappe, générant une nouvelle dimension du plat à l’épais. Leur pièce principale, aboutissement de nombreux essais, « 100 nappes sur une table basse » a été hélas perdue lors du démontage de l’exposition à l’A.R.C de Paris, probablement évacuée par mégarde par l’équipe de nettoyage. Le groupe /Surface/sur/surface/ s’est par la suite autodissout en juillet 1970 « trop interrogé par la notion de couche, car l’on peut toujours en rajouter une »

Typographie dégradée courtesy of Hôtel de la gare de Cherbourg

16 juin 2022 — les installations urbaines de « typographies dégradées » de l’artiste visent à nous interpeller  sur la place que l’humanité loue sur Terre via la figure iconique de l’hôtel dans un monde ressenti comme finissant, en proie à une entropie qui ne peut plus offrir que la nostalgie d’un temps où tout fut lisible et ordonné. La déconstruction des mots est celle de notre bafouillement ; aveu de notre impuissance face à des enjeux qui ne sont plus de façade. L’enseigne ici nous « enseigne », car elle avertit qu’il est déjà trop tard.

« Portable aridity »

3 août 2022 —  (ready-made séchoir à linge ; tubes, fils d’acier, plastiques). Installées en mode « irruptif » dans l’espace public ou chez les collectionneurs, les sculptures de l’artiste visent à faire « dépasser le ressenti du sec » pour, dans les périodes caniculaires, « concerner sur l’obsolescence de l’humide ». La future génération « burn août » (les mêmes, mais brûlés au chalumeau) se voudront les silhouettes — squelettes pérennes d’un monde dépassé par l’urgence climatique.

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7 août 2022 — (Compteur EDF, bougies d’anniversaire). Tragique destin que celui connu par l’artiste : nourrisson trouvé dans un transformateur désaffecté, né à une date inconnue de parents non identifiés, il est l’auteur de 27 « compteurs d’anniversaire », série qui s’achève avec sa mort (dans sa 28e année) causée par un arc électrique lors d’une rixe avec un employé posant un compteur Linky. Entre tension émotive technicisée et nostalgie d’une enfance émerveillée par la simplicité du propos low tech des bougies, la série, poignante proposition plastique et effort vain de célébrer la fuite du temps, a été acquise par la Fondation pour la promotion des courants de l’art contemporain.