Vous avez peut-être ici entendu parler de Substack, de Kessel, Patreon, Ghost…et autres plateformes qui vous assurent que si vous créez une newsletter « de niche », vous allez vous attirer une foule idolâtre, sinon des revenus que votre famille et vos voisins vont jalouser. Comme je suis un bon garçon et que je crois ce qu’on me dit a priori, j’ai voulu essayer. Aussi, il y a un peu plus d’un an, pour voir, j’ai lancé — chez aucune de ces maisons, mais via Mailchimp et gratuite en plus — une newsletter « de niche », VIS COMICA, sur un sujet qui me tient à cœur depuis des décennies : la littérature et les écrits humoristiques.
Plus de niche que ça, t’es un chien : la littérature, tout le monde s’en fout aujourd’hui. Ça prend du temps smartphone-facebook-Twitter/X, de l’expérience-moment Netflix… En son sein, la littérature humoristique est mal vue, suspecte, ou peu identifiable et guère promue (le prix Interallié 2022, « Roman fleuve» de Philibert Humm, un absolu chef-d’œuvre pourtant en ce genre, vous en avez entendu parler ?), car tout le monde (qui lit encore) s’intéresse surtout au drame, au pathos, à l’anxiogène — hors ces attendus, rien n’est à considérer en ce pays, en termes de la littérature. Bref : de niche-niche, de niche honnie : j’avais donc toutes les chances de cartonner avec mon concept de lettre sur la littérature et les écrits humoristiques. CQFD.
Surprise (?) : il n’en est rien ! Il s’avère qu’en effet tout le monde s’en fout de ladite niche sur la littérature et les écrits humoristiques et que, malgré des gesticulations de publicité effectuées avec application, car préconisées, sur les rézosocios (dont l’utilité en termes de communication/promotion devrait être considérablement reconsidérée au fil de leurs appauvrissement, nuisance, obsolescence et manque d’intérêt), j’ai gagné 3 abonnés pelés ici et un tondu là. Une poignée de soutiens — des fous, des radicaux, des militants, sans doute — m’a envoyé des sous (qu’ils soient loués pour les siècles des siècles). Mais quand je dis une poignée, je compte les doigts.
Les vendeurs de solutions de newsletters n’ont de cesse de vous raconter la belle histoire d’unetelle ou d’untel qui se fait des myiiiiers et des myiiiiers d’abonné(e)s et des myiiiiers et des myiiiiers d’euros mensuels… Souvent en fait, des stars de la télé, de Youtube, de médias « installés », des auteurs ou autrices qui avaient déjà un public, souvent portés précédemment par un autre support dans le monde réel (essayez de vendre un bouquin auto-édité si vous n’avez jamais existé en librairie à compte d’éditeur : c’est pareil.) Peu issus du néant émergent (comme dans le podcast d’ailleurs, cette pseudo-économie sur-vendue qui va bien finir par se casser la gueule quand les créateurs faméliques auront compris que ses promoteurs ne sont pas totalement désintéressés à l’engouement présumé) — ou alors, comme dans le podcast, ceux qui pataugent en surface et régulièrement en apnée, c’est parce qu’ils parlent de Tech, de développement personnel ou durable, ou mieux, de la sexualité trans-bi-agender-aromantique-fluid-pan, des problèmes de jobs, de relations sociales, de couple ou de baby-sitting, des générations Y et Z — avant de raccrocher faute de temps et de moyens durables.
Je suis donc content de n’avoir pas donné d’argent aux plateformes de newsletters qui vous proposent de vous aider moyennant la commission qu’elles prennent sur votre chienne de niche, votre créativité, votre énergie en contrepartie de deux trois fonctionnalités que vous pouvez réaliser vous-même, et somme toute très de peu de promotion de leur part. En revanche, ce qu’elles vous expliquent dans leurs propres newsletters, c’est qu’il faut durant au moins un an 1- travailler beaucoup et publier régulièrement 2- travailler beaucoup et publier régulièrement 3- travailler beaucoup et publier régulièrement.
En publiant chez elles.
Ces plateformes me rappellent immanquablement l’histoire de l’homme qui créa une brouette pour les orpailleurs : John Mohler Studebaker (https://en.wikipedia.org/wiki/John_Studebaker). Il partit faire la ruée vers l’or. Il ramassa peu en filtrant la boue dans le froid (enfin : l’hiver, car c’est en Californie) et claqua outre des dents (l’hiver, j’ai dit, hein), toutes ses maigres pépites de temps en temps en allant prendre une douche, soigner ses courbatures, gâter quelques accortes et serviables gourgandines… Avant de repartir creuser ou tamiser. Il comprit alors qu’il valait mieux vendre les outils pour extraire de l’or, que s’épuiser à l’extraire soi-même. Il inventa et commercialisa donc une brouette pour orpailleur (le prototype est aujourd’hui au El Dorado County Museum de Placerville https://www.edcgov.us/Government/Museum) et de fil en aiguille en naquit un empire ferroviaire (des wagons), automobile (La Studebaker de Raymond Loewy, vous voyez ?) qui devint au fil du temps un fleuron de l’industrie de l’acier, etc. Bref, de ma fenêtre : le discours « venez publier chez nous et vous faire des nouilles encore ! », c’est du bullshit, comme aurait dit ce sacré John Mohler. Pourtant j’ai « travaillé beaucoup et publié régulièrement ».
Enfin, voilà : VIS COMICA, la lettre de la littérature et des écrits humoristiques cessera désormais d’encombrer les boitamèls. Ce sera désormais un site spécialisé (la promotion du sujet me tient toujours à cœur, et ce, sans la question des revenus) qui sera alimenté au fil de ma veille et de mes lectures (https://vis-comica.francismizio.net/). Je vais maintenant essayer d’autres trucs prometteurs du numérique : le métavers (ah non, zut trop tard, pffff, pourtant on y croyait tant toutes et tous !), ou bien vendre des images IA, devenir prompt ingénieur… Ils disent que ça cartonne. C’est de l’or. Qu’on peut se faire des…
Des pépites. C’est ça. Des grosses pépites.
En attendant, lisez donc de la littérature humoristique. En ces temps étranges et pénétrants, c’est thérapeutique. https://vis-comica.francismizio.net/